La sorcière de Saverne

Je suis née à Nancy d’un père alsacien, né dans une petite commune à 4km de Saverne, exactement à Saint Jean Saverne, qui s’appelait, avant 1922 St Jean des Choux (67), et d’une mère lorraine.

J’ai commencé à faire des recherches généalogiques sur la famille STEIB au décès de mon père en 1990. J’ai trouvé, dans ses affaires un début de généalogie sur 3 générations.
En 1943, mon père était venu à Nancy (54) pour trouver du travail et là, il lui a fallu prouver qu’il était bien français !

Mes recherches commençaient, mais je ne savais pas alors ce qui m’attendait !!

Il me faudra du temps, de la patience et surtout une aide précieuse. L’allemand, appris en classe, ne me permettait pas d’y arriver seule; le gothique est illisible et j’ai fait appel à une association pour me traduire des actes.

Avec ma sœur, nous nous débrouillions avec les traductions. Nous sommes contentes, tant bien que mal nous progressons.

Et maintenant, voilà le latin ! Là, c’est plus facile à déchiffrer : achat de dictionnaire, de fascicules sur le latin généalogique.

Notre acharnement a payé, nous avons reconstitué l’arbre familial.

A plusieurs reprises, je me suis déplacée avec ma sœur à Saverne où la Société d’Histoire et d’Archéologie de Salerne et des environs (SHASE) nous a éclairées et nous a raconté des anecdotes sur les familles trouvées. Sa grande disponibilité et son savoir nous ont été d’une grande aide.

Et là une surprise de taille nous attendait !!! Et pas n’importe laquelle !!

J’avais bien trouvé une Anne GOETZ ou GÖTZ ou bien Götzin en latin, dite Bockenwirt, mais sans connaître son histoire.

Anne est née vers l’année 1532 et morte le 3 Juillet 1630 à Saverne soit environ à 98 ans. Elle est la fille de Wolff Ernest GOETZ décédé en 1559, Aubergiste « A la Charrue » et de Ursule EBERHARD décédée en 1564.

Anne s’est mariée trois fois :

le 18.12.1564 à Saverne avec Louis ZABERER (mort le 03.07.1577 à Saverne), dont voici l’acte.

le 04.02.1578 à Saverne avec Jean EBERBACH (mort en 1592 à Saverne), et dont voici l’acte.

et en 1593 à Saverne avec Arnold Von BRUCHHAUSEN mort vers 1611 (archives manquantes).

De son 2e mariage Anne aura une fille, Marie EBERBACH, décédée en 1636 et qui se mariera en 1604 avec Jean SUTOR qui décédera en 1612 . Marie se remariera avant 1619 avec Jacques KLEIN.

La famille GOETZ habitait Saverne et tenait l’auberge du Bouc, auberge la plus huppée de la ville; parmi les grands qui y ont séjourné on trouve Turenne. Ainsi par ses mariages, les trois époux d’Anne sont devenus aubergistes.

Mais comment se fait-il que la mort d’Anne ne soit pas consignée dans les registres paroissiaux de Saverne ??

A cette époque de guerre et d’épidémies, pour calmer la population, on a procédé à une chasse aux sorcières. Entre 1614 et 1631, il y a eu à peu près 65 procès de sorcellerie recensés ; ils étaient menés par l’inquisition dirigée par les Jésuites de Molsheim.

Dans deux livres on trouve la trace de l’histoire d’Anne Goetz.

Le bulletin d’Histoire et d’Archéologie de Saverne de 1947 indique les dates du procès en sorcellerie d’Anne les 01, 07, 27 juin et 02 juillet 1630 et sa mort le 3 juillet 1630. (Procès 56-archives de Saverne écrites par Monsieur Ferrenbach).

Un autre livre a été publié en Février 2011 et on y trouve plusieurs passages parlant d’Anne Goetz brûlée comme sorcière.

 » Götz(in) Anna, 98 ans, gardienne de chèvres, veuve de Ludwig Zaberer, après l’avoir été en premières noces de Johan Eberbach, puis d’Arnold de Brechhausen, brûlée à Saverne en 1630. »

Nous avons une sorcière dans nos ancêtres !!

Quel sort leur réservait-on ?

Enfermés dans une tour près de la porte de Strasbourg, après d’horribles tortures, les condamnés partaient en procession vers le gibet dressé sur la côte d’Otterswiller, en recevant des pierres, des crachats…
Il apparaît que Anne Goetz a été passée par l’épée avant d’être brûlée, égard pour son grand âge…

Autre extrait d’un livre sur les sorcières d’Alsace publié en 2017.

Anne, comme sorcière, n’a pas eu droit aux registres paroissiaux, et après une vie de labeur est morte rejetée par la société à qui on jetait en pâture ceux qui n’étaient pas dans la norme, victime expiatoire à une époque où les bûchers éclairaient parfois le pays.

Quant à l’Auberge du Bouc, le maire de Saverne, le comte de Wannenghem, l’a attribuée au fils de la veuve du maire de Marmoutier qui s’était réfugiée en cette ville.

Cette fameuse auberge se situait à l’emplacement actuel de la pâtisserie Haushalter, Grand Rue à Saverne (2019).

Geneviève.